EDITORIAL 

Les parasites de l’unité

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Par Njiki Fandono,
Directeur de la publication

Le Cameroun a célébré le 20 mai 2023 la 51ème édition de la fête de l’unité, sous le thème : «forces de défense et peuple camerounais, en symbiose pour la sauvegarde de la paix et de l’unité nationale, socle d’un Cameroun fort et prospère». Les mots choisis étaient suffisamment évocateurs et bien inspirés dans un contexte marqué par des soubresauts sociopolitiques et sécuritaires qui interpellent davantage le sens collectif de la Nation, voire de l’Etat-Nation, au-delà des facteurs qui parasitent l’unité nationale.

D’abord au plan sécuritaire. Depuis le référendum du 20 mai 1972 qui a mis fin à l’Etat fédéral, symbole de la cohabitation républicaine entre le Cameroun occidental (anglophone) et oriental (francophone), le lien entre les forces de défense et le peuple camerounais dans son entièreté s’est consolidé au fil des épreuves. Notamment lors du conflit frontalier entre le Cameroun et le Nigéria voisin sur la péninsule de Bakassi en 2006, ou encore contre la secte islamiste et terroriste Boko Haram en 2014. La symbiose entre l’armée et le peule qui, jusque-là, était au-dessus de tout soupçon, va prendre un coup dans la guerre endogène du NoSo (Nord-Ouest, Sud-Ouest), mettant aux prises les forces de défense camerounaises aux séparatistes anglophones. Comme dans toute guerre, des crimes abominables seront perpétrés sur des civils pris en otage entre deux feux, créant une confusion légitime au sein des populations et jetant l’opprobre sur une armée réputée professionnelle et qualifiée au Sud du Sahara. Certains iront plus loin dans l’anathème en qualifiant cette armée de «milice», sans faire le tri nécessaire entre les braves et vaillants compatriotes qui donnent de leur vie au quotidien pour la sécurité des Camerounais, et les brebis galeuses parfois débordées par la tournure des événements.

Ensuite, au plan sociopolitique. C’est le chaudron par excellence de toutes les expérimentations rédhibitoires contre l’unité nationale et le vivre-ensemble. Ici, les ponts de la division se construisent au travers des discours pyromanes et les parasites de l’unité se multiplient entre les conflits intercommunautaires, la haine tribale et la xénophobie. On peut se remémorer sans exhaustivité des scènes de pillage et de xénophobie à répétition, dirigées contre les biens et les commerces des ressortissants du Noun établis dans la ville de Sangmelima, d’abord en 2019, puis en mai 2023, malgré les communiqués musclés du gouvernement contre la haine ; les affrontements entre éleveurs, pêcheurs et agriculteurs qui ont éclaté il y a deux ans dans l’Extrême-Nord provoquant le départ d’au moins 100 000 personnes de leurs foyers selon le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR) ; ou encore «le mouvement spontané» mené le 29 avril 2023 par les populations «autochtones» du village Bayon situé dans la commune de Baré-Bakem, département du Moungo, contre «les allogènes» Bamilékés qui ont vu leur symbole culturel (Ndop) profané sur la place publique. Des actions en représailles contre «un hégémonisme étouffant» qui mettrait «de plus en plus en mal le vivre-ensemble» dans cette petite localité selon le communiqué de l’Assemblée culturelle et traditionnelle des Ngoh Ni Nsongo. Une espèce de «grand remplacement», non pas à la Eric Zemmour contre les immigrés en France, mais des Camerounais, contre des Camerounais. Dans un même pays, où certains «autochtones», à l’exception des pygmées, seraient historiquement moins enracinés que les «allogènes», renforçant ainsi la complexité et le côté crisogène de ces deux notions.

Au demeurant, l’on pourrait aisément se demander à la lumière de ce qui précède, si les Camerounais sont (encore) et réellement unis ? Se considèrent-ils comme une nation avec une communauté de destin, des valeurs fortes, des repères et des modèles autour desquels tous s’identifient sans aucune autre forme de considération ? Il faudra bien y réfléchir après le faste et la solennité du 20 mai sur l’étendue du territoire national et dans ses représentations diplomatiques à l’étranger.

 

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