Candidature rejetée de Maurice KAMTO : René SADI interpellé

Présenté comme l’un des vestiges d’un État « digne de ce nom » depuis Ahmadou Ahidjo, l’actuel ministre de la Communication serait la voix la plus indiquée pour décrisper le climat politique camerounais, au moment où l’influence controversée de Ferdinand Ngoh Ngoh, le secrétaire général de la présidence, intrigue à l’intérieur du sérail et en dehors.

Par KAND OWALSKI


Lettre ouverte à René Emmanuel Sadi

Monsieur le Ministre,

Je n’ai, à votre égard, aucune sympathie particulière. Mais je ne peux, en toute honnêteté, ignorer qu’à défaut de bien connaître l’État, vous faites partie du collège restreint de ceux qui peuvent se targuer, au sein du gouvernement dont vous êtes aujourd’hui le porte-parole, d’avoir vu fonctionner un appareil étatique digne de ce nom. Et pour cause, vous le servez depuis 1975. D’abord, sous Ahidjo donc, où vous avez contribué, comme vous l’avez pu, à son essor économique. Puis, sous Biya, depuis 1982, où à votre manière, vous l’avez accompagné dans sa lente et douloureuse désintégration.

Cependant, quels que puissent être les griefs que l’on pourrait porter contre vous, le fait est que, oui monsieur le ministre, vous savez ce qu’est l’État.

Je vous écris parce qu’aujourd’hui, un fonctionnaire, devenu secrétaire général de la présidence au hasard de ses relations avec l’épouse du président, s’autorise à pousser le Cameroun vers un chaos prévisible, sans état d’âme. En voulant écarter Maurice Kamto par des manœuvres illégales, Ferdinand Ngoh Ngoh alimente sous vos yeux le brasier qui peut embraser la nation entière. Vous le savez. Vous l’avez vu dans d’autres crises. Et vous savez où cela mène.

Face à ces dérives haineuses dont les conséquences potentielles seraient désastreuses pour l’ensemble de la Nation camerounaise, j’interpelle solennellement le pouvoir en place afin qu’il mette un terme au jeu dangereux qu’il joue en ce moment dans le Grand Nord. Les Camerounais de cette partie du pays, qu’elles que soient leurs communautés socio-culturelles et leurs religions, ont su trouver depuis très longtemps des équilibres et créer les conditions d’un vivre-ensemble apaisé. Même s’il y avait de choses à améliorer, c’est la sagesse qui doit prévaloir, et le pouvoir devrait contribuer, là où c’est nécessaire à créer ou à améliorer les conditions d’une coexistence paisible, au lieu d’allumer le feu qui peut embraser toute cette importante partie de notre pays.

Monsieur le ministre,

Vous ne pouvez accepter qu’un homme qui, lorsque vous étiez déjà tour à tour chef de service au MINREX, deuxième secrétaire d’ambassade au Caire, chargé de mission à la Présidence, directeur de l’école des cadres de l’UNC, et directeur adjoint du cabinet civil, ne connaissait même pas les couloirs d’Étoudi, vienne aujourd’hui vous dicter le silence et la soumission devant ce qui apparaît comme un complot contre notre patrimoine commun.

Vous êtes, qu’on le veuille ou non, l’un des derniers survivants d’un État qui se tient encore debout par quelques piliers diplomatiques que vous avez aidé à construire. Si vous laissez Ngoh Ngoh transformer le Cameroun en champ de ruines pour satisfaire ses ambitions et ses peurs, alors vous serez complice de l’incendie final.

Je vous le dis avec la franchise qui sied aux moments graves. Le pays ne survivra pas à ces intrigues si les hommes qui connaissent l’État se taisent. L’orgueil d’un homme comme vous ne peut tolérer qu’un commis décide du sort de la République pendant que vous baissez les yeux.

Je sais que si vous méprisez en silence le Secrétaire Général qui a pris Paul Biya en otage pour faire de lui le paravent de ses ambitions, vous n’avez guère plus d’estime pour Maurice Kamto, dont la seule présence trouble l’ordre auquel vous appartenez, et dont le discours menace l’architecture d’un système que vous avez, bon gré mal gré, contribué à construire.

Mais ce à quoi je vous appelle dépasse les querelles d’hommes, les fidélités partisanes et les rancunes de palais. Il ne s’agit plus de choix d’alliance ou de carrière. Il s’agit du destin d’une nation que vous avez vue naître, que vous avez portée sur les fonts baptismaux de la diplomatie camerounaise, que vous avez, pardonnez-moi de le répéter, aidé à faire grandir avant 1982, puis accompagnée, hélas, dans sa lente descente aux enfers, parce que vous avez fait le choix de la loyauté à un homme, plutôt qu’au pays.

Vous avez été témoin, serviteur, complice, parfois architecte de cette nation, y compris de ce qu’elle reste d’elle. C’est pourquoi, aujourd’hui, l’histoire vous appelle.

Au soir de votre vie politique, je vous convie à un acte de rachat. Dites la vérité. Dénoncez ce qui doit l’être. Brisez le silence qui étouffe la République. Entrez dans l’Histoire, Monsieur le Ministre, et offrez à votre carrière une fin qui ait la dignité de son commencement.

 

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