AU CAMEROUN, L’ OPPOSANT ANDRÉ MARIE DIBAMOU RELÈVE LES « FAIBLESSES » DES ORIENTATIONS DU BUDGET 2024

Après 40 jours de jeûne et de prière pour, croit-il, exorciser le pays et armer spirituellement les Camerounais avant les grands challenges politiques qui s’annoncent en 2025, le président national de la Jeunesse Démocratique du Cameroun (JDC) fait sa rentrée post-carême et livre son analyse critique de la circulaire de Paul BIYA sur la préparation du budget de l’Etat pour l’année prochaine.

« OBSERVATIONS DE LA JDC SUR LA CIRCULAIRE N° 001 DU 30 AOÛT 2023 RELATIVE À LA PRÉPARATION DU BUDGET DE L’ÉTAT DU CAMEROUN POUR L’EXERCICE 2024

Le Président Paul BIYA a bien voulu partager avec l’opinion publique, la lettre circulaire adressée à son gouvernement élargi aux gouverneurs de Régions dont l’objet est repris en titre.

La JDC tient à féliciter cet effort de transparence cheville ouvrière de la démocratie que les réseaux sociaux numériques ont rendu possible.

Y faisant suite, le bureau politique national de la Jeunesse Démocratique du Cameroun (JDC) tient à partager par le même canal, des observations relativement à ce document de 20 pages qui a été scruté avec grand intérêt et analysé par ses conseils.

SUR LA FORME

Le document se lit facilement. Sa disposition en points (85 au total) permet un suivi minutieux en dehors des chapitres.

Seulement, deux erreurs grammaticales à la page 5 (Fonds vert, fonds sans « s ») et à la page 10 (a posteriori avec accent grave à « a » alors qu’il s’agit d’une locution adverbiale empruntée du latin et donc sans accent) n’ont pas échappé à notre attention et méritent d’être corrigées avant que le document rentre définitivement dans les archives.

Encore, la JDC pense que tout document présidentiel doit être le plus proche de la perfection possible aussi bien dans sa version française que dans sa version anglaise, dans sa formulation comme dans son énoncé. Il y va du prestige de la fonction.

AU FOND

Dans l’ordre croissant des points à l’ordre de la circulaire, nous allons partager avec nos militants, sympathisants et compatriotes, ce qui de notre point de vue, mérite l’attention de tous et de chacun.

 I / S’AGISSANT DU CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE
Le président Paul BIYA annonce une progression de la consommation des ménages en 2024 de l’ordre de 3.0% en raison notamment et entre autres, selon lui, de l’évolution favorable des revenus agricoles (1), des crédits à la consommation (2), des transferts de la diaspora (3), et des mesures prises par le gouvernement pour atténuer l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat (4).

Sans dire ni comment, ni pourquoi les revenus agricoles devraient subitement connaître une augmentation en 2024 alors que dans tous ses discours successifs depuis 1987, ils sont en nette régression, le Président Paul BIYA le déclare. Si ce n’est de la prestidigitation, cela s’apparente à bien des égards, à de la spéculation(ce qui n’est pas du ressort d’un Chef d’État). Par ailleurs, les crédits à la consommation dont parle le Président Paul BIYA renvoient à quel chapitre budgétaire ? S’agit-il des salaires qui ont connu une coupe drastique depuis 1993, du crédit foncier qui reste une véritable nébuleuse ou des lignes 60, 64 et 95 dont la gestion essuie les critiques de la presse depuis les révélations scabreuses du journaliste Martinez Zogo paix à son âme ?

Qui plus est, lorsque, pour tabler sur l’augmentation de la consommation, le Président Paul BIYA fait référence aux transferts de fonds de la diaspora, devrons-nous lui rappeler que cette même diaspora qu’il appelle au secours de son équilibre budgétaire pour 2024 n’a pour l’heure aucun statut légal du point de vue de la multiple nationalité ? Va-t-on distinguer le transfert des camerounais ayant acquis une autre nationalité (financement privé étranger ?) de ceux des camerounais ayant gardé leur nationalité d’origine ? Comment le savoir ?

Enfin quelles sont les mesures prises par le gouvernement pour atténuer l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat dont parle le Président Paul BIYA ? Mieux qu’elle a été leur impact (puisqu’enfin nous sommes, selon lui, rentrés à l’ère d’un budget d’impact) sur le panier de la ménagère depuis le DSCE (2010-2020) et bien avant? S’agit-il de la MIRAP qui fait concurrence au petit commerce ou de la taxation sur les cotisations sociales en cours à la CNPS en ce moment ?

LES DEMI-VÉRITÉS DE NATCHIGAL

Dans son point 15, le Président Paul BIYA annonce qu’en 2024, le secteur énergétique devrait bénéficier de l’amélioration de l’offre énergétique avec la mise en service du barrage de Natchigal. Ce qu’il ne dit pas (même s’il emploie le conditionnel), c’est que ce barrage est prévu pour entrer en fonction en septembre 2024 selon le calendrier provisoire de l’entreprise française en charge de sa construction. Et si l’on considère les nombreux retards que le chantier accumule et le fait qu’aucun délai n’a jamais été respecté par cette entreprise, ce serait un miracle si au quatrième trimestre de 2024 les turbines de cette centrale venaient à tourner. Même dans ce cas, la JDC pense qu’un barrage qui devient fonctionnel en septembre 2024 ne peut pas avoir un impact sur la consommation des ménages pour la même année. Mieux, qu’il faudra attendre 2029, soit 5 ans au moins, pour mesurer l’impact de ce barrage sur le PIB.

Voilà le contexte macroéconomique jonché d’incertitudes (on pourrait se dire que l’on a connu pire) et dicté par les contingences exogènes dans lequel le Président Paul BIYA projette un taux de croissance du PIB réel de 4,3% (1), un déflateur du PIB de 1,9%(2), un déficit budgétaire global (dons compris) de 1,0% du PIB (3), et un déficit du compte courant autour de 3,0% du PIB. Toute chose qui serait plus difficile à faire que de puiser de l’eau avec un panier.
Quid des objectifs de l’action publique ?

II/ S’AGISSANT DES OBJECTIFS DE L’ACTION PUBLIQUE

Le Président Paul BIYA, au point 22 de sa circulaire, instruit son gouvernement de <<mettre en place un fonds de solidarité nationale pour une meilleure prise en charge des couches vulnérables.>>

Si la JDC se félicite de voir que ses idées sont reprises in extenso , elle exige néanmoins que par élégance républicaine, la paternité du FONDS DE SOLIDARITÉ JEUNE DE 1000 MILLIARDS pour lequel son président national s’est battu (au prix de plusieurs jours de détentions arbitraires ) depuis les états généraux de la Jeunesse camerounaise avortés de décembre 2021 sous la bannière du CNJC, lui soit reconnue.

Que, en 2022, lorsque le Président Paul BIYA annonce la création d’un Fonds de Garanti des emprunts jeunes, la JDC est montée au créneau pour dire qu’il n’y a aucune honte à copier ce qui est bien. Le fonds de garanti annoncé en 2023 est devenu le fonds de solidarité en 2024? C’est déjà un pas en avant. Mais notre position est claire, le seul moyen de rattraper notre retard économique et de réduire le fossé entre les générations (solidarité intergénérationnelle oblige) c’est de créer un fonds de solidarité, non pas national, mais jeune; attendu que la seule vraie couche vulnérable du Cameroun, toute chose étant égale par ailleurs, reste la jeunesse.

Enfin, la JDC se réserve le droit de soumettre son projet de société basé sur un fonds de solidarité jeune de 1000 milliards aux camerounais en 2025 pour appréciation.

DU MARQUAGE DES BIÈRES

Le Président Paul BIYA, afin de contrôler et de lutter contre la fraude, instruit le <<marquage des bières>>.

La JDC pense que cette mesure semble prise pour contenter les acteurs de ce secteur industriel. L’on se souvient qu’avant la crise sanitaire mondiale à Corona Virus de 2020, le lobby brassicole avait exigé et obtenu une augmentation de 50 frs CFA voire plus sur certains produits, risquant de plonger le pays dans l’insurrection. Cette nouvelle mesure contreproductive va être la cause de plusieurs abus, saisies, destructions réelles ou supposées de produits brassicoles contrefaits et de règlements de comptes dangereux pour le climat social des affaires particulièrement tendu en cette veille d’élection présidentielle.

III/ DES DISPOSITIONS PRATIQUES POUR L’ÉLABORATION DU BUDGET DE L’ÉTAT

En son point 73, le Président Paul BIYA, afin d’assurer un traitement rationnel des dépenses locatives des services publics, instruit que <<seuls les loyers courants seront inscrits aux budgets du ministère chargé des domaines et du ministère chargé de la défense. L’apurement des arriérés fera l’objet d’un traitement séparé par les administrations compétentes.>>

La JDC se doit de porter à la très haute attention du Président de la République que cette nouvelle disposition est contraire au point 13 relatif à l’augmentation de la consommation des ménages par les crédits à la consommation. Le paiement des loyers dus par l’État aux particuliers en 2024 dans leur totalité peut permettre d’augmenter le pouvoir d’achat des concernés et impacter plusieurs secteurs. Instruire de traiter en urgence les loyers courants en renvoyant les arriérés au calende grecque c’est proprement manquer de compassion et d’empathie pour ces ménages qui ont à leur tour, planifié leur budget sur le paiement des soldes dus par l’État. Par ailleurs, rééchelonner le paiement des arriérés au-delà de 2 mois revient à tomber sous le coup de la filouterie de loyer punie par le code pénal en vigueur.

A- DE LA BUDGÉTISATION SENSIBLE AU GENRE

Afin de promouvoir l’approche genre dans sa politique budgétaire de 2024, le Président Paul BIYA, instruit son gouvernement d’intégrer la démarche de budgétisation sensible au genre comme une priorité dans tous les secteurs du développement national.

La JDC se réserve le droit d’objecter sur la faisabilité d’une telle approche budgétaire d’impact et met en garde contre le caractère chimérique et fantasmagorique d’une telle approche appliquée à la réalité, le genre ici étant très souvent assimilé à l’opposition homme/femme. Il convient pour ce faire, de définir clairement le concept budgétisation sensible au genre afin d’éviter toute interprétation erronée qui viderait ce concept novateur de sa substance.

B- S’AGISSANT DE L’ACCÉLÉRATION DU PROCESSUS DE DÉCENTRALISATION

Le Président Paul BIYA pense que ce sont les administrations qui <<devront programmer dans leur CDMT, les ressources nécessaires au financement effectif de l’exercice (2024) des compétences transférées aux communes et aux régions.>> Il va plus loin, en instruisant à ces mêmes administrations de <<veiller au respect de l’équité dans leur ventilation>>. Autant donner un gibier au chien de garder.

Or, plusieurs experts sont unanimes sur le fait que ce sont les mêmes administrations appelées à intervenir dans l’accélération du processus du transfert des compétences qui sont à l’origine des lenteurs accusées dans le transfert desdites compétences. La JDC propose donc aux Camerounais, dans le cadre de son projet de société pour la présidentielle 2025, la création d’un Observatoire National de la Décentralisation(OND), véritable gendarme du transfert des compétences chargé de la veille et du suivi du processus de décentralisation dans son ensemble.

C- QUID DES LIGNES 60, 64 ET 95?

Le Président Paul BIYA n’est pas insensible aux critiques formulées par les Camerounais par voie de presse et médias sociaux numériques au sujet de la gestion catastrophique des chapitres communs des lignes 60, 64 et 95 du budget. Car c’est lui-même qui avait invité les jeunes à dénoncer tout acte de détournement des deniers publics dans son discours de fin d’année de 2022. Cette fois-ci même la JDC déplore qu’il se soit résigné à souhaiter que <<des efforts devront être faits pour affecter progressivement certaines dépenses jadis dans ces chapitres, vers les chapitres ministériels.>>, elle salue cette progression.

Pour qui sait scruter l’horizon politique national, il n’y a pas plus léthargiques que les mots « effort » et « progressivement » mis ensemble. Les camerounais se souviennent certainement qu’il a fallu attendre 20 ans pour que le sénat, les régions, la décentralisation, le conseil constitutionnel soient <<progressivement>> mis en marche. La Haute Cour de Justice, dernière institution de notre constitution encore en attente, est toujours <<progressivement>> entrain de se mettre en œuvre.

POUR CONCLURE

La JDC salue encore les efforts de transparence du Président Paul BIYA qui vient de confirmer que la construction de notre nation est une affaire de tout le monde et que celles et ceux qui assurent leur animation au quotidien ne sont que des relais de la volonté du peuple que la JDC représente dans son expression camerounaise la plus vraie, la jeunesse. Le bien-être des camerounais étant notre crédo, notre démarche ne consiste pas à dire que les orientations budgétaires pour l’exercice 2024 données par le Président Paul BIYA ne sont pas bonnes, mais de relever leurs faiblesses, lesquelles peuvent, si elles sont corrigées, permettre au peuple camerounais de souffler après 3 ans d’austérité budgétaire sans précédent.

Tout en scrutant les actions et activités qui seront proposées par le gouvernement pour atteindre les objectifs fixés par la circulaire du Président Paul BIYA,

QUE LA SOLIDARITÉ DE TOUS SOIT LA GARANTIE DE LA SÉCURITÉ DE CHACUN.

 Fait à Makénéné le 11 septembre 2023.

(é) ANDRÉ MARIE DIBAMOU
PRÉSIDENT NATIONAL JDC »