D’après Griote, le quotidien camerounais en ligne, les féminicides retracés sur les réseaux sociaux et les médias montrent une accélération du phénomène au Cameroun. De quoi mettre vent debout de nombreuses associations de la société civile.
Par Marlyse Mbogmam
Les chiffres explosent au rythme de la violence quasi-globale qui s’est emparée de la société camerounaise. 28 femmes assassinées en moins de trois mois, sous les coups de leurs conjoints. Les cas sont différents les uns des autres, mais illustrent à certains égards l’abomination et la boucherie avec lesquelles ces femmes sont froidement enlevées à la vie par leurs partenaires. Il y a deux semaines dans le village Nkfui dans la région du Nord-Ouest, le nommé Ngoh Elvis a reconnu avoir tué sa petite amie en mettant du poison dans son repas. La pauvre Wanga Erica Nyuydze n’y survivra pas. Un crime assumé, comme ceux dont les réseaux sociaux et la presse s’étaient déjà fait l’écho quelques jours plus tôt à Nanga-Eboko dans la nuit du 5 au 6 avril 2023, où Vanessa Youbi avait été violée et assassinée, et ses organes retirés. Cette même nuit, cinq de ses proches seront égorgés également dans leur maison. Mis aux arrêts, le copain et présumé assassin de Vanessa Youbi sera retrouvé mort par «suicide» dans sa cellule alors qu’il était en garde à vue dans les locaux de la police, emportant avec lui, pas mal d’informations dans l’au-delà. Il aurait été assisté dans sa sale besogne par cinq complices qui courent encore. Une situation qui renforce la suspicion des organisations de la société civile contre les pouvoirs publics, accusés de ne pas faire suffisamment d’efforts pour stopper la violence et les féminicides au Cameroun.
Face à la presse le 28 avril 2023, le collectif «Stop féminicides 237» après avoir dressé un tableau non exhaustif des femmes assassinées, soit 21 depuis janvier de cette année, a jugé crucial d’interpeller le président de la République. «Votre engagement à travers la signature des conventions internationales telles que la convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes et le protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes communément appelé protocole de Maputo qui porte sur la protection du droit des femmes est un rappel essentiel de l’importance de l’égalité des sexes dans notre société», a-t-il souligné.
Pour mettre fin aux féminicides, il est nécessaire de prendre des mesures à différents niveaux, croit savoir le Dr. Jean Merimé Ntamack. Le sociologue propose de «promouvoir au niveau individuel, l’égalité des genres et lutter contre les stéréotypes sexistes. Les hommes doivent également être impliqués dans cette lutte en tant que partenaire et alliés des femmes. Il est nécessaire de renforcer les lois et les institutions chargées de protéger les femmes contre les violences. Les services de police doivent être mieux formés pour traiter des cas de violences faites aux femmes et les femmes doivent avoir accès à des services de soutien et de protection». Enfin, «il est important de sensibiliser davantage la population sur les conséquences des féminicides et sur les moyens de prévenir les violences. Des campagnes de communication efficaces peuvent contribuer à changer les mentalités et promouvoir une culture de respect et d’égalité entre les sexes», a-t-il conclu dans une contribution intellectuelle publiée dans les médias.
Laetitia Tonye Loe, féministe
«Les efforts des pouvoirs publics doivent être aussi accompagnés de ceux des populations»
Il ne se passe pas un jour sans qu’une femme perde la vie suite à une violence conjugale. Qu’est-ce qui explique cette recrudescence selon vous ?
Désormais nous sommes quotidiennement exposés à des informations aussi effrayantes que révoltantes quant à l’assassinat de femmes, souvent cette violence vient d’un partenaire intime. Selon un rapport publié en 2020 par le Ministère de la promotion de la femme et de la famille (Minproff), on apprenait que 52,6 des camerounaises ont connu la violence conjugale. C’est une tendance que nous avions déjà perçue au niveau des associations. De façon générale, durant les périodes de crises, la violence envers les femmes augmente. Aujourd’hui il y a une vraie pression sécuritaire et économique.
Mais il faut aussi dire que l’accès plus grand aux réseaux sociaux et la mobilisation des féministes permettent de rendre ces atrocités plus visibles, maintenant il faut davantage de moyens et d’études pour savoir si cette tendance est en accélération.
Avez-vous le sentiment que les pouvoirs publics font ce qu’il faut pour mieux protéger les femmes ?
Il existe une multitude de programmes menés notamment par le Minproff qui malgré le budget assez faible de son département travaille avec les partenaires internationaux, pour faire davantage. Des policiers sont formés dans certaines villes, il y a de la sensibilisation dans les écoles, même sur les lieux de travail. De grands efforts restent à faire mais les efforts des pouvoirs publics doivent être aussi accompagnés de ceux des populations.

